Après les embryoïdes (1) , il est nécessaire de se pencher sur le statut des cérébroïdes, notamment lorsqu’ils sont destinés à alimenter des bio-ordinateurs. Les cérébroïdes sont des assemblages de cellules cérébrales cultivées en laboratoire, soit à partir de cellules souches pluripotentes induites (iPS), soit à partir de cellules souches embryonnaires (CSEh). Une publication de l’Agence de biomédecine, Les cérébroïdes, des ministructures qui interrogent (2), est l’occasion de faire le point sur ce sujet, dans une “démarche d’anticipation des questionnements éthiques et sociétaux et d’une ambition affirmée de documenter les sujets en vue de la prochaine révision de la loi de bioéthique” .
Fabriqués notamment pour des objectifs de recherche dans le domaine des maladies du cerveau, les cérébroïdes font émerger de nombreuses questions concernant leur degré de sensibilité, leur statut et l’encadrement des recherches : “Ces agrégats cellulaires cultivés en laboratoire, bien que petits en taille (de quelques centaines de microns à quelques millimètres pour les plus gros), reproduisent certaines caractéristiques importantes des cerveaux humains fœtaux pouvant présenter des caractéristiques développementales, cellulaires et moléculaires essentielles“.
Parmi les questions examinées, se distingue celle de la fabrication de bioordinateurs, assemblages de cérébroïdes et de microprocesseurs : “L’année 2023 a été marquée par l’apparition d’un nouveau champ de recherche baptisé « l’intelligence organoïde ». Jusque-là appliqués au domaine médical, les cérébroïdes ont été associés aux domaines de l’intelligence artificielle et de l’informatique computationnelle. Cette nouvelle discipline vise à créer des bioordinateurs alimentés par des cellules cérébrales humaines. C’est ainsi qu’une équipe américaine a conçu, en 2023, un système électronique incluant un cérébroïde relié à un ordinateur, baptisé brainoware ». Théoriquement, ce système fonctionnerait comme un cerveau capable de recevoir l’information et de la traduire en signal électrique. Le signal émis est traduit par une intelligence artificielle. L’équipe a ainsi soumis 240 extraits vocaux de huit hommes différents au système. Au bout de deux jours, soit 4 cycles d’entrainement, le brainoware était capable de reconnaître qui parlait, avec une efficacité́ de 78 % (pour un système artificiel, il faudrait au moins 50 cycles soit plus de 20 jours d’entrainement pour obtenir le même résultat). La comparaison du système avec un ordinateur fonctionnant à 100 % avec l’intelligence artificielle a montré une rapidité d’apprentissage plus importante avec une efficacité plus ou moins équivalente. Cette efficacité a été expliquée par la flexibilité du système vivant, capable de se réorganiser pour traiter la stimulation électrique perçue.
Même si ce dispositif semble futuriste, les applications multidisciplinaires semblent prometteuses. Ces
bioordinateurs consommeraient moins d’énergie que les intelligences artificielles actuelles et pourraient apprendre plus facilement des tâches qui ne demandent pas une grande précision. Ce champ de recherche fait cependant face à de nombreuses limitations à commencer par l’absence de vascularisation des organoïdes, ce qui entraîne la mort prématurée des cellules dans l’amas et donc un système non viable à moyen et long terme. L’absence d’homogénéité des cérébroïdes est également un frein important à ce dispositif. Cette nouvelle technologie innovante soulève d’importantes questions éthiques, notamment si ces cérébroïdes humains développent un début de conscience ou ressentent la douleur. Ces biotechnologies développées à partir de cellules souches de donneurs volontaires questionnent notamment sur la notion de propriété intellectuelle”.
1 – Anthropotechnie, 10 juin 2024. http://voir Anthropotechnie, 10 juin 2024. https://www.anthropotechnie.com/pseudo-embryons-cherchent-politique )
2 – Lettre de l’Agence de biomédecine n°4. Juillet 2024. https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/_4-lettre_de_la_biomedecine.pdf
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