« La question qui se pose est : « sommes-nous déjà à envisager une utilisation de routine d’organes animaux ?” se demande Gilles Blancho, Chef du service de néphrologie et immunologie clinique, Directeur de l’Institut de transplantation urologie-néphrologie à Nantes, dans la lettre de l’Agence de la Biomédecine consacrée aux xénotransplantations (1).
Qu’est ce que la xénotransplantation ? le mot ” xénotransplantation, tiré du grec ancien « xénos » qui veut dire « étranger », mais aussi « hôte », consiste à greffer l’organe d’un donneur dont l’espèce biologique est différente de celle du receveur” .
Le franchissement de la barrière inter-espèces pour sauver des vies humaines interroge à bien des niveaux : “bien que la xénotransplantation soit encore loin d’être une pratique courante, les avancées dans ce domaine suscitent de nombreux questionnements bioéthiques. Cette recherche qui connait actuellement une accélération significative avec le passage à l’humain, révèle des considérations sociétales importantes, peu explorées, et un flou réglementaire considérable. La protection de l’espèce humaine face à la transmission d’agents pathogènes infectieux animaux est l’une de ces considérations. Des questions éthiques plus larges et multiples émergent également, notamment l’instrumentalisation animale et l’acceptabilité sociétale de la pratique. Des questions éthiques plus larges et multiples émergent également, notamment l’instrumentalisation animale et l’acceptabilité sociétale de la pratique” résument les auteurs de cette publication.
Du point de vue de la généalogie de ces pratiques, Samuel Arrabal, Agence de la biomédecine, en fait le résumé suivant : “le concept de xénotransplantation, qui consiste à greffer chez l’être humain un organe d’une espèce biologique différente, n’est pas nouveau. Les toutes premières expériences du début du XXe siècle ont été suivies d’une deuxième vague d’essais dans les années 90, suite à la mise au point des premiers traitements immunosuppresseurs. Toutes ces expériences se sont soldées par des échecs en raison de rejets rapides et massifs du greffon, laissant penser que la barrière biologique interespèces était infranchissable. La mise au point des techniques d’édition du génome dans les années 2010 est venue bouleverser cette conviction. Ces techniques ont en effet permis de modifier génétiquement des porcs, dans l’objectif de les rendre « immunologiquement compatibles » avec l’être humain. Ainsi, grâce à cette compatibilité immunologique interespèces, la xénogreffe a connu des avancées spectaculaires ces dernières années,”
La situation aujourd’hui : “L’absence de rejet hyperaigu au cours des greffes sur receveurs décédés a conduit les équipes américaines et la Food and Drug Administration aux Etats-Unis à considérer qu’il était possible d’envisager une xénogreffe à titre compassionnel dans des cas où aucune thérapeutique conventionnelle ne pouvait être proposée aux patients. Ainsi, à ce jour cinq xénotransplantations chez des patients vivants ont été réalisées à travers le monde. Quatre des cinq patients sont décédés. Aucune information n’est publiée sur le cinquième. Ces décès montrent également les limites des greffes compassionnelles, qui s’adressent des patients graves et fragiles, avec un risque de décès très élevé”.
Les propositions des auteurs sont les suivantes : “afin que les espèces humaines et animales soient protégées et si les avancées dans le domaine se concrétisent, la technique de la xénotransplantation pourrait être considérée par le législateur comme une pratique secondaire, la greffe d’organes humains restant le premier traitement de choix. Le principe de subsidiarité pourrait être au cœur des débats sociétaux faisant de cette pratique une solution intermédiaire utilisée uniquement si aucune autre solution n’est possible. Cela permettrait entre autres d’intégrer la notion que cette méthode ne vient pas en remplacement de la greffe classique et n’influerait donc pas sur le don d’organes“.
En conclusion, les aspects économiques sont replacés au centre de la réflexion puisque “la propriété industrielle étant aujourd’hui uniquement détenue par des sociétés étrangères, la France sera en position de « dépendance d’organes » lorsque le temps de la recherche sera terminé et laissera la place aux soins courants. Les équipes devront alors se fournir à l’étranger, ce qui aura un impact significatif sur le coût et la dépense. Les arbitrages stratégiques reposeront alors sur l’évaluation de l’intérêt d’investir dans la création d’une filière française ou européenne d’animaux génétiquement modifiés, en comparaison avec l’usage d’organes « importés »”.
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1 – Des organes animaux chez l’humain : La xénotransplantation au cœur des préoccupations scientifiques et éthiques de demain. La lettre de la biomédecine. Agence de la Biomédecine. Novembre 2024.https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/_5-lettre_de_la_biomedecine.pdf
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